Pourquoi écrire un témoignage ? Daphnée Gagnage explique les vertus thérapeutiques de l’écriture. 

Pourquoi écrire un témoignage ? Daphnée Gagnage explique les vertus thérapeutiques de l’écriture. 
22/04/2020
Conseils pour écrire un livre

À la question « Pourquoi as-tu écrit ton histoire ? », je réponds souvent « Parce que j’en ai eu besoin, et parce que c’était une évidence. » Pour être tout à fait franche, je ne crois pas m’être interrogée sur les raisons qui m’ont poussée à m’y mettre lorsque ça a été le cas. Je n’ai fait que ce qui m’était familier déjà et depuis fort longtemps. Si j’essaye malgré tout d’analyser ce qui m’a conduit à écrire et publier un livre pour raconter mon histoire, je distingue plusieurs étapes. 

L’écriture, partie intégrante de soi

Depuis que je sais coucher les mots sur papier je m’y emploie sans effort aucun. Tantôt pour m’amuser, tantôt pour m’interroger, j’ai noirci au fil des années bien des carnets. Du journal intime dans lequel je racontais mes malheureuses aventures d’adolescente amourachée ou bien rebelle, aux feuilles volantes remplies d’histoires et de rêves à garder en mémoire, les supports ont été en vérité nombreux. L’idée elle, restait la même : matérialiser, visualiser, ranger et ne pas oublier. 

Écrire ô combien les parents étaient injustes ou les profs nuls me défoulait et évitait que ça ne soit fait à l’oral dans des crises de colère insensées. Plus tard, rédiger les doutes quant à l’avenir ou les sentiments ressentis pour tel garçon aidait à ne pas déborder, à voir les choses de façon globales et pouvoir prendre un peu de recul dessus. 

C’était normal, logique, réflexe, autant que c’était utile voire indispensable. Et ça l’est toujours. 
Si pour vous, l’écriture est une évidence, un acte quotidien, lorsque vous aurez envie de raconter votre histoire, le faire sous forme de livre sera sans doute naturel.

Écrire pour soi, publier pour les autres.

Ainsi va la vie, à écrire pour soi de façon tout à fait égoïste comme l’on bouquine, dessine ou jardine. Se changer les idées en se faisant plaisir. Seulement parfois, « se changer les idées » est une tâche bien trop grande pour faire comme d’habitude. Parce que parfois, les évènements nous propulsent sur un chemin totalement inconnu, auquel on ne s’attendait pas et dont les conséquences sont telles que l’on étoufferait de ne pas s’en détacher. 

En ce qui me concerne, c’est un accident de voiture qui a changé mon monde. Un accident de voiture qui a bouleversé tout mon Être, psychologiquement comme physiquement. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cet univers-là, ce nouveau moi, n’est pas moins beau. Il est différent. Et il m’a fallu plusieurs années pour le comprendre. Plusieurs années et un livre. Écrit d’abord, publié ensuite. Et il est important de distinguer ces deux stades, déjà parce qu’il s’est écoulé une année entière entre la fin du premier, et l’élan du second. Ensuite parce que tant les raisons que les bienfaits que chacun m’a apporté divergent. 

L’écriture comme exutoire

Le besoin de se souvenir de chaque détail, recouper toutes les informations pour les remettre dans l’ordre et retracer un morceau d’existence que l’on avait perdu. Transformer un flou en image nette pour pouvoir la regarder, l’étudier, et ne plus y voir que les imperfections. Écrire mon histoire, raconter mon accident et ce qui en a suivi m’a obligé à revivre ce parcours que je ne souhaite à personne et qui a pourtant été le mien. Mais après avoir pleuré toutes les larmes qu’il y avait à y verser, j’ai pu le considérer avec un regard neuf, un regard sec et presque tendre : « Tu vois, tu t’en es sortie, et aujourd’hui si ça n’est pas ce que tu envisageais, c’est néanmoins une vie dans laquelle tu te sens heureuse. » Ah bien oui. Un fauteuil roulant n’empêche pas le bonheur. C’est un scoop que je vous laisserai digérer à la fin de cet article, ne vous en faites pas. 

En attendant voilà. Certains écrivent pour exister, moi j’ai écrit pour ressusciter. Pour retrouver toutes les pièces du puzzle qui étaient éparpillées dans ma tête (ça m’apprendra à ne pas ranger ma chambre) et pour les assembler les unes avec les autres. Avec soin. Une fois le puzzle reconstitué, l’apprécier, le mettre dans un coin et passer à l’activité suivante. Sans empressement ni regret. 

Publier pour aller au bout de la route.

Un an pour l’écrire, un an pour digérer, et il a été temps de finir ce que j’avais commencé. Car enfin qui écrit des livres pour que jamais ils ne soient lus ? À part moi je veux dire ? Bref, un salon du livre et une jolie rencontre plus tard, j’entame la procédure. Mais quels objectifs se cachent derrière cette dernière étape ? De quoi avais-je besoin en plus ? 

Après l’acceptation et la page tournée, j’ai eu envie que ce combat qui a occupé quelques années de ma vie tout en la mettant entre parenthèses, informe, sensibilise et aide. En somme, lui accorder un sens et une utilité. Admettre qu’il peut servir non de modèle, mais simplement de repère pour ceux qui passerons par un chemin similaire. D’outils pour ceux qui auront à les accompagner. D’explications pour ceux qui seront simplement curieux de voir que la vie est imprévisible, pour le meilleur et pour le pire, et qu’il existe bien des manières d’y faire face. 

Moi j’ai traversé cette épreuve avec optimisme, grâce à mes efforts mais aussi à l’amour de mes proches. C’est l’espoir qui m’a tenu et qu’aujourd’hui je tends à transmettre à travers mon blog et à travers mon livre Ça n’arrive qu’aux autres. Témoigner pour prouver que l’on a raison d’y croire. Pas croire en la perfection. Mais croire que ça ira mieux, ça ira forcément mieux, quand on décidera de se regarder avec bienveillance, et non en se comparant. Au soi d’avant ou aux autres. 

Écrire et publier un témoignage : une fierté, un partage

Finalement publier un témoignage, c’est comme faire un album photos de voyage. On le fait pour se souvenir du chemin parcouru, pour se rendre compte que quand même, il était assez dingue pour qu’on puisse se dire qu’on a du mérite de l’avoir fait. Et puis on le montre pour partager et donner envie aux autres d’atteindre ce genre d’objectifs, pour montrer que le paysage vaut la peine que l’on galère pour s’y rendre. 

Daphnée Gagnage