Droit à l’image, droit d’auteur, diffamation : peut-on faire ce que l’on veut dans son livre ?

Droit à l’image, droit d’auteur, diffamation : peut-on faire ce que l’on veut dans son livre ?
31/10/2023
Conseils pour écrire un livre

Peut-on citer un autre auteur dans son livre ? Comment utiliser des images pour sa couverture ? En écrivant votre livre, vous vous posez de nombreuses questions d’ordre juridiques. Droit d’auteur, droit de citation, diffamation… quelles sont les règles à respecter ? Librinova vous éclaire sur ces différentes notions, sachant que le recours à un juriste en propriété intellectuelle est parfois indispensable.

    En quelques titres:

  1. Le droit d’auteur et la propriété intellectuelle
    1. Le droit d’auteur
    2. La propriété intellectuelle
  2. Faire une citation dans son livre
  3. Citer une marque ou une personne réelle
  4. Les droits d’utilisation des visuels
    1. Les images libres de droit
    2. Les images non libres de droit ou sur commande
    3. Le droit à l’image

Le droit d’auteur et la propriété intellectuelle

D’abord, pour comprendre les règles qui vont suivre, il faut connaître deux notions très importantes : le droit d’auteur et la propriété intellectuelle.

Le droit d’auteur

Le Code de la propriété intellectuelle (article L.111-1) indique que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ». Concrètement, le droit d’auteur se décompose entre :

  • le droit moral, qui est perpétuel, inaliénable et imprescriptible (donc qu’on ne peut pas vous retirer, quoi qu’il arrive) ;
  • le droit patrimonial qui peut être cédé ou concédé.

Concrètement, lorsque vous signez un contrat d’édition, par exemple, vous cédez vos droits patrimoniaux d’auteur à l’éditeur afin qu’il exploite votre œuvre commercialement. En contrepartie, vous recevez une rémunération (les fameux « droits d’auteur »). En revanche, vous conservez vos droits moraux. Les droits patrimoniaux existent jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur, alors que le droit moral est perpétuel.

Le droit moral se compose lui-même de plusieurs droits :

  • divulgation (c’est l’auteur qui choisit quand et comment il rend publique son œuvre) ;
  • paternité (l’auteur doit être cité lorsque son œuvre est utilisée tout ou en partie) ;
  • respect de l’intégrité de l’œuvre (elle ne doit être ni altérée, ni déformée dans sa forme ou son esprit) ;
  • retrait (l’auteur peut faire cesser l’exploitation de l’œuvre ou modifier les conditions).

Seuls les droits de paternité et de respect de l’intégrité sont transmissibles aux héritiers.

Le droit d’auteur donne donc au créateur de l’œuvre l’exclusivité d’autoriser ou d’interdire son utilisation (personne d’autre que l’auteur ne peut le faire).

 

La propriété intellectuelle

Elle désigne l’ensemble des droits portant sur les créations et confère au créateur des droits de propriété exclusifs. La propriété intellectuelle englobe la propriété industrielle (brevets, marques, inventions…) et la propriété littéraire et artistique (dont le droit d’auteur).

L’existence du droit d’auteur entraîne donc nécessairement des règles à respecter lorsqu’on utilise une œuvre, qu’il s’agisse d’un texte, d’une image, d’une musique, d’une vidéo…

 

Faire une citation dans son livre

Il est autorisé de citer un autre auteur dans un livre. Néanmoins, il ne doit pas s’agir de plagiat ou de contrefaçon. Pour faire valoir le droit de citation, il faut respecter l’ensemble des règles suivantes :

  • la citation s’insère dans votre manuscrit ;
  • elle est justifiée, c’est-à-dire qu’elle sert votre propos ;
  • la citation est courte  (mais aucun texte ne précise ce qui est considéré comme court…) et proportionnée (il existe des jurisprudences avec des décisions très différentes selon les cas, voir par exemple sur cette page);
  • la source de la citation est mentionnée (dans le corps du texte ou en note), en précisant non seulement le nom de l’auteur, mais aussi le titre de l’ouvrage ou de la publication ;
  • la citation est entre guillemets.

Le droit de citation est très étendu : il peut s’agir de livres, de journaux, de chansons, de poésies… Si les règles précédentes sont respectées, vous n’avez pas besoin d’obtenir une autorisation de l’auteur.

 

Citer une marque ou une personne réelle

Mentionner une marque dans un livre n’est pas interdit. Cependant, attention à ne pas dénigrer ou discréditer la marque en question, sinon vous pouvez tomber sous le coup de la diffamation.

Pour une personne réelle, qu’elle soit célèbre ou non, celle-ci bénéficie du droit au respect de sa vie privée. Vous devez donc lui demander son autorisation écrite  vous accordant le droit de la citer ou parler d’elle. Vous ne pouvez pas non plus utiliser des éléments que la personne n’a pas rendus publics (correspondance, confidences, anecdotes…). Comme pour la marque, dénigrer ou insulter la personne vous expose à une plainte pour diffamation. Il existe de ce qu’on appelle l’exception de parodie, de pastiche ou de caricature qui permet de s’exonérer de l’autorisation de la personne ou de l’auteur s’il s’agit d’un texte ou d’une image. Mais le texte parodique ne doit pas pouvoir être confondu avec l’original et ne doivent pas nuire : le but de la parodie, de la caricature ou du pastiche est de faire rire.

Attention, le fait de changer le nom de la personne ne change rien au fait qu’elle puisse vous poursuivre en justice. Le mieux est de faire en sorte qu’elle ne soit pas reconnaissable.

Bon à savoir : diffamation, injure, quelle différence ?

L’injure est définie par le Code pénal comme « une expression outrageante, des termes de mépris ou invective, qui ne renferme l’imputation d’aucun fait précis ». La diffamation consiste en « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ». Toute personne, célèbre ou non, peut poursuivre un auteur pour injure ou diffamation s’il estime que son honneur est bafoué dans votre livre. Pour autant, il faut qu’elle soit clairement identifiée ou identifiable dans le texte. Si votre ouvrage est donc à caractère dénonciateur ou polémique, prudence !

 

Les droits d’utilisation des visuels

Il faut distinguer ce qui relève du droit d’auteur d’une personne qui a créé une image (illustration, photo, dessin…) de ce qui relève du droit à l’image.

Les images libres de droit

En tant qu’auteur, vous pouvez être amené à utiliser des images, photos, dessins, illustrations… Mais attention ! Vous ne pouvez pas exploiter n’importe quelle image disponible sur Internet. Elles sont toutes, par défaut, soumises au droit d’auteur, tout comme votre roman ou votre nouvelle. Une image trouvée sur Internet appartient donc à son auteur et n’est utilisable ou modifiable qu’avec son accord.

Certains artistes diffusent leurs images sous licence Creative Common (CC) qui permet de libérer les droits sur l’image (on parle d’image libre de droit). Mais cela ne veut pas dire pour autant que le visuel est exploitable n’importe comment. Il y a 6 variantes de licences CC qui permettent de reproduire, distribuer et communiquer l’œuvre à titre gratuit et non-exclusif, avec différents niveaux d’attribution, de partage et d’autorisation de modification.

Ces licences CC sont souvent utilisées dans les banques d’images gratuites ou payantes comme Pixabay, Pexels, Flickr ou iStok. Veillez donc à bien vérifier les conditions d’usage de chaque visuel : par exemple, ne prenez pas une image interdite d’utilisation commerciale pour une couverture !

Les images non libres de droit ou sur commande

Si vous commandez une illustration à un artiste ou une photo à un photographe pour votre couverture, vous aurez une facture intégrant la création du visuel, mais aussi ce qu’on appelle la cession de droit d’usage. On est ici dans l’exploitation du droit patrimonial de l’auteur de l’image : tout comme l’auteur d’un livre cède ses droits d’exploitation à un éditeur, l’artiste vous cède les droits d’exploitation de son image.

La facture stipule noir sur blanc que vous avez le droit d’exploiter la photo pour :

  • un usage donné (par exemple une couverture de livre) ;
  • sur une durée limitée (par exemple 15 ans) ;
  • délimité dans l’espace (par exemple pour un livre distribué en France).

Le tarif de la cession de droit d’usage peut aussi être différente selon l’utilisation de l’image : utilisation commerciale (ce qui est le cas d’une couverture de livre vendu), non commerciale, etc.  Si vous achetez une image pour une couverture d’un livre distribué en France, vous n’avez théoriquement pas l’autorisation d’utiliser cette même image pour créer une carte postale ou un poster vendu aux États-Unis.

Attention, certains monuments sont protégés par le droit d’auteur de l’architecte si celui-ci n’est pas décédé depuis plus de 70 ans. Vous ne pouvez donc pas utiliser de photo reproduisant ce monument, même si vous êtes le photographe.

Le droit à l’image

Le droit à l’image appartient à toute personne, de manière exclusive. C’est-à-dire que vous ne pouvez pas utiliser une image représentant une personne sans l’accord (écrit) de cette dernière. Logiquement, le photographe doit obtenir l’autorisation écrite de la personne qu’il photographie s’il veut exploiter par la suite sa photo (par exemple la vendre pour une couverture). S’il s’agit d’une personne célèbre ou d’un personnage historique, c’est la même chose : soit il s’agit d’une photo prise par un photographe qui est sensé avoir demandé l’autorisation, soit c’est votre photo et c’est à vous d’obtenir l’accord de la célébrité.  Une personnalité publique a le même droit à sa vie privée que tout le monde. Il y a deux exceptions :

  • Le droit à l’information, qui permet d’utiliser les images des personnes publiques sans leur autorisation (mais cela s’applique plutôt aux médias ou, à la limite, aux documentaires).
  • L’image de la personne célèbre est captée pendant l’exercice de son activité professionnelle. Mais la photo ne doit pas être utilisée à des fins publicitaires.

Pour les personnages historiques représentés sous forme de peintures, soit celle-ci est tombée dans le domaine public et donc exploitable, soit il y a des droits d’auteurs sur la peinture.

Le droit à l’image s’applique partout, y compris dans les lieux publics et même si le visage n’est pas reconnaissable. Il existe une tolérance pour les photos de foule, lorsque les personnes ne sont pas identifiables.

Les droits associés à la création sont complexes et la jurisprudence regorge de cas d’écoles et d’exceptions. Si vous avez un doute, l’idéal est de consulter un juriste spécialisé dans la propriété intellectuelle.