Depuis Agnès Martin-Lugand en 2013, qui sont les stars de l’édition issues de l’auto-édition ?

Depuis Agnès Martin-Lugand en 2013, qui sont les stars de l’édition issues de l’auto-édition ?
02/08/2023
Actualités du livre
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En décembre 2012, Agnès Martin-Lugand publiait son premier roman Les gens heureux lisent et boivent du café en auto-édition. Elle vend plus de 8500 exemplaires en trois mois et est repérée par les éditions Michel Lafon. Depuis, de nombreux auteurs ont ainsi fait leurs débuts en auto-édition avant de rejoindre les rangs de maisons d’édition traditionnelle. Qui sont les stars de l’édition issues de l’auto-édition en 2023 ? Comment l’auto-édition a-t-elle évolué depuis dix ans ?

L’évolution de l’auto-édition depuis 2013

En 2013, Agnès Martin-Lugand est l’une des premières romancières françaises à connaître un succès fulgurant en auto-édition. Elle qui ne comptait pas passer en édition traditionnelle a pourtant fini par sauter le pas et à rejoindre les éditions Michel Lafon.

2015-2019 : l’âge d’or de l’auto-édition

Contrairement à ce qu’on pense souvent, l’auto-édition n’est pas un phénomène récent, mais il a pris pleinement son essor avec celui de l’ebook. Le marché est en constante progression, même s’il est difficile d’avoir des chiffres précis. Près de 20 % des livres envoyés à la bibliothèque nationale de France (BNF) au titre du dépôt légal sont des ouvrages auto-édités. Mais tous les autoédités ne souscrivent pas à cette obligation de dépôt et les chiffres prennent aussi en compte l’édition à compte d’auteur. Néanmoins, entre 2010 et 2019, le nombre de livres autoédités déposés a doublé, passant de 7700 à 15450.

2020 : la reconnaissance de l’administration

En 2020, une certaine forme de reconnaissance de l’autoédition voit enfin le jour : le régime social des artistes-auteurs est étendu aux écrivains dont les œuvres sont autoéditées. Jusqu’à présent, la déclaration des revenus de l’autoédition nécessitait de créer une entreprise (micro ou non), alors que les droits d’auteurs traditionnels, versés par les éditeurs, pouvaient être déclarés à l’Urssaf sous le régime d’artiste-auteur (plus avantageux en termes de cotisations sociales).

Ce changement doit beaucoup au travail de la Ligue des auteurs professionnels, emmenée à l’époque par l’autrice Samantha Bailly. Devenue syndicat, la ligue milite notamment pour la reconnaissance du métier d’écrivain à part entière.

Depuis 2021, une croissance exponentielle de l’offre

Avec le confinement et la crise sanitaire, des millions de Français ont ressorti de leur tiroir un manuscrit inachevé ou se sont lancés dans l’écriture. Certaines maisons d’édition ont reçu près de 40 % de manuscrits supplémentaires par rapport à d’habitude ! Le nombre d’ouvrages autoédités a quant à lui augmenté de 30 à 40 % sur 2020. Pour autant, le nombre de lecteurs, lui, n’augmente pas dans les mêmes proportions, ce qui provoque un certain déséquilibre entre l’offre et la demande.

Les nouvelles stars de l’édition issues de l’auto-édition en 2023

L’édition traditionnelle n’est pas en reste. Si certaines maisons continuent de s’ériger en gardiennes d’une certaine forme d’élitisme éditorial, d’autres jouent pleinement le jeu et voient dans l’autoédition un vivier de talents. Les éditions Michel Lafon, en dénichant Agnès Martin-Lugand, ont ouvert  la voie. Florian Lafani, ancien éditeur chez Michel Lafon et actuel directeur éditorial de Fleuve Éditions, confesse que « l’autoédition est un complément au service des manuscrits, car on s’est aperçu qu’un certain nombre d’auteurs autoédités n’envoyaient pas leurs textes aux maisons d’éditions ».

Les best-sellers de l’auto-édition publiés en édition classique

Depuis Agnès Martin-Lugand, d’autres auteurs et autrices ont suivi le même chemin et ont débuté leur carrière dans l’autoédition avant d’être repérés par un éditeur traditionnel. Aurélie Valognes autoédite en 2014 Mémé dans les orties avant d’être publiée Michel Lafon en 2016. Après un deuxième livre, l’autrice a rejoint les éditions Fayard en 2017, chez qui elle a publié 7 romans (le dernier est L’envol en 2023).

Amélie Antoine a d’abord sollicité les maisons d’éditions, en 2014, avec son premier roman Fidèle au poste, puis a fini par l’autoéditer en 2015. Lu par plus de 30 000 lecteurs, le roman est repéré l’année suivante par… Michel Lafon et publié en France et aux États-Unis. Elle a également été publiée par le Livre de Poche, Pocket et XO Éditions.

Michel Lafon est aussi l’éditeur de Laure Manel, qui a commencé sa carrière d’autrice par un roman épistolaire autoédité en 2015. Elle est repérée à l’occasion de son troisième roman La délicatesse du homard, édité en 2018 après avoir été autoédité en 2016.

Carène Ponte est une autrice Librinova : elle publie grâce à la plateforme Un merci de trop en mars 2015. En décembre, elle signe un contrat d’édition chez Michel Lafon pour ce roman qui sort en 2016. Véritable succès de librairie, le livre est suivi de nombreux autres  chez le même éditeur. Elle est aujourd’hui éditée par Fleuve Editions.

En janvier 2023, Mélissa Da Costa a réussi à se retrouver à la troisième place des auteurs français ayant vendu le plus de livres en 2022 établi par Le Figaro, derrière Guillaume Musso et Joël Dicker. Elle a publié en autoédition Tout le bleu du ciel, en 2018, avant d’être éditée par la petite maison Carnets Nord, puis rééditée par Le Livre de Poche. Elle a publié d’autres romans chez Albin Michel.

Et cette liste n’est pas exhaustive, nous pensons également à des auteurs comme Alice Quinn, Sophie Astrabie ou encore Bruno Combes.

 

De l’édition à l’autoédition, un phénomène qui s’inverse

Dans le sens inverse, l’autoédition attire de plus en plus des écrivains édités, connus ou non. Joël Dicker, l’auteur à succès de La vérité sur l’affaire Harry Québert, créé l’événement en quittant les éditions De Fallois pour créer sa propre maison et s’autoéditer. Riad Sattouf, auteur de BD, a aussi choisi l’autoédition pour publier ses prochains albums. L’écrivain Salman Rushdie a adopté une démarche originale en décidant de publier son nouveau livre sur une plateforme de newsletter payante (Substack), suivant ainsi l’exemple de Margaret Atwood qui a publié sur Wattpad.

Leur objectif : retrouver la maîtrise de la production et de l’exploitation de leurs œuvres. Aujourd’hui, grâce aux outils disponibles et à la constellation de professionnels indépendants (graphistes, illustrateurs, correcteurs, consultants éditoriaux…), il est de plus en plus facile d’autoéditer de manière professionnelle.

Et maintenant, quel avenir pour l’autoédition ?

L’autoédition n’est plus un choix par dépit pour de nombreux auteurs. Pour preuve, certains optent délibérément pour l’indépendance, sans même chercher à trouver un éditeur traditionnel. À la clé, la liberté de piloter son projet éditorial de A à Z, depuis l’écriture jusqu’à la promotion, en passant par la couverture et les relations publiques. De plus en plus d’auteurs se professionnalisent, devenant des « auteurs entrepreneurs » à part entière.

 

L’édition traditionnelle et l’autoédition apprennent à vivre ensemble. De nombreux auteurs sont désormais hybrides, choisissant l’édition traditionnelle pour certains ouvrages et l’autoédition pour d’autres. L’autoédition a encore de belles années devant elle, car les gens ont toujours voulu écrire et partager leurs écrits. Elle sert de tremplin vers l’édition traditionnelle… ou pas. L’autoédition a l’avantage de favoriser une certaine diversité en publiant des livres qui n’auraient jamais trouvé leur place dans les cases (trop formatées ?) des éditeurs. C’est à vous de jouer, maintenant !