L’auto-édition : un tremplin vers l’édition traditionnelle

L’auto-édition : un tremplin vers l’édition traditionnelle
06/01/2021
Conseils pour trouver un éditeur

Si l’auto-édition peut permettre à des auteurs débutants de réaliser leur rêve et de voir leur travail prendre vie, cela peut représenter une belle vitrine et attiser la curiosité d’une maison d’édition dite « traditionnelle ». Débute alors une relation qui, dans le meilleur des cas, peut s’inscrire sur le long terme. Ce parcours, c’est notamment celui de Marjorie Tixier et sa rencontre avec Fleuve Éditions. À travers les témoignages de l’auteure et du directeur éditorial de Fleuve, découvrez comment l’auto-édition constitue un tremplin vers l’édition traditionnelle et comment s’articule cette relation.

 

 

    En quelques titres:

  1. L’auto-édition : une porte d’entrée pour les écrivains débutants
  2. L’édition traditionnelle garde un œil sur l’auto-édition
  3. Quels sont les critères de sélection des maisons d’édition ?
  4. Quelles relations entre l’auteur et la maison d’édition ?
  5. Auteur et éditeur : un travail sur le long terme

L’auto-édition : une porte d’entrée pour les écrivains débutants

Le passage de l’auto-édition à l’édition traditionnelle peut s’assimiler à une rencontre amoureuse, un coup de cœur. Et cela peut demander de la patience. Beaucoup de patience. « Pour trouver un éditeur, ça a été une longue histoire. Il m’a fallu presque 15 ans pour réussir à trouver quelqu’un qui allait vraiment comprendre mon travail », se souvient Marjorie Tixier.

L’auteure de Un matin ordinaire écrit depuis son plus jeune âge. C’est donc presque naturellement qu’elle décide, à 25 ans, de se lancer dans la rédaction de son premier ouvrage, la première partie de son livre publié en 2020. Si elle commence à l’écrire pour son plaisir personnel, une fois le manuscrit terminé, Marjorie Tixier décide de tenter le coup et l’envoie à des éditeurs.

« C’était il y a une quinzaine d’années. À cette époque-là, il y avait encore une possibilité d’avoir une réponse. On me disait C’est bien, continuez, ce n’est pas encore abouti mais il y a quelque chose”. Ça m’avait déjà donné envie de continuer. Après, j’ai enchaîné un autre livre, puis un autre, et tout cela est resté dans mes tiroirs pendant un moment. »

Résignée à trouver un éditeur, Marjorie Tixier publie son livre en version numérique, qui connaît une première vie. Mais à la suite d’un article de presse, l’auteure s’intéresse de plus près à l’auto-édition. Elle publie son roman sur Librinova qui donne son coup de cœur à ses écrits. En 2017, l’auteure remporte le concours « Un merveilleux malheur » organisé par Librinova. Un déclic pour Marjorie Tixier, déjà très motivée, à publier son roman en version papier.

L’édition traditionnelle garde un œil sur l’auto-édition

Passer de l’auto-édition à l’édition traditionnelle n’est évidemment pas simple. Les maisons d’édition sont extrêmement sollicitées par les envois de manuscrits. Mais les professionnels de l’édition gardent un œil intéressé sur les textes auto-publiés, afin de ne pas passer à côté d’un texte de qualité. Certains indicateurs comme le nombre de ventes ou des articles de sites et blogs spécialisés incitent à se pencher sur certains romans.

« Au départ, l’auto édition a été vue – et pas forcément à tort – comme un outil pour les auteurs qui étaient refusés par les maisons d’édition traditionnelles », explique Florian Lafani, directeur éditorial de Fleuve Éditions. Mais avec le temps que mettaient certains éditeurs à répondre, et le succès des premiers romans auto-édités, la situation a évolué.

Florian Lafani détaille ce phénomène : « Les auteurs s’affranchissaient totalement du service des manuscrits et se décidaient à publier tout de suite en auto-édition, en se disant “J’aurais peut-être plus de chances de me faire repérer par un éditeur en ayant un peu de succès sur une plateforme d’auto-édition, plutôt qu’en envoyant au service des manuscrits”. Donc ça devenait d’autant plus important de continuer à regarder ce qui se passait sur cette plateforme parce que, potentiellement, ce sont des textes qui nous avaient échappé. »

Quels sont les critères de sélection des maisons d’édition ?

Vous l’avez compris, l’auto-édition peut représenter un tremplin vers l’édition traditionnelle. Encore faut-il que votre texte tape dans l’œil des professionnels de l’édition. Mais comment faire ? Là encore, il n’y a pas de recette miracle. Plusieurs critères entrent en compte. Tout d’abord, une part de subjectivité inévitable chez la personne qui va lire votre roman.

« Souvent, on nous demande quels sont les points à améliorer pour être publié. En fait, l’enjeu n’est pas spécialement là. C’est mon retour, ma subjectivité. Mais si ça se trouve, ce ne sera pas du tout la même chose chez un confrère qui, lui, trouvera le texte parfait », reconnaît Florian Lafani.

Évidemment, la qualité du texte, de l’histoire, de l’intrigue entre en ligne de compte. Le directeur éditorial de Fleuve Éditions nous explique sa manière de procéder. « Quand on lit quelque chose d’attendu, où on n’est pas surpris au fur et à mesure de la lecture, en général, c’est assez déceptif », avoue Florian Lafani.

Il précise ses attentes personnelles : « Ce que j’aime, c’est être surpris. Un pitch, un petit résumé, parfois une couverture ou un titre, déjà, ça pose un imaginaire. J’aime découvrir, au fil des pages, une voix un peu différente, des personnages différents. Se dire, quand on lit le texte, “C’est bien vu, je n’y aurais pas pensé”. Quand le texte fonctionne très bien, quand les personnages sont plus complexes que je pouvais l’imaginer, c’est comme ça que la séduction avec un texte se fait. »

Enfin, l’édition garde également une dimension commerciale. Les éditeurs sélectionnent aussi des manuscrits en fonction de ce qu’il peuvent apporter à leur catalogue. « Mon travail, c’est de donner une cohérence à tout ce que l’on publie », explique le directeur éditorial de Fleuve Éditions. « Il arrive qu’on refuse des manuscrits qu’on trouve très bien. Mais si on a des textes qui sont déjà très proches, en termes d’histoire ou de narration, on ne va pas créer notre propre concurrence, en interne. On a envie de pouvoir porter chacun des titres. »

Quelles relations entre l’auteur et la maison d’édition ?

Votre texte auto-publié a été repéré par une maison d’édition. Cette histoire, ce partenariat, débutent par une rencontre déjà décisive. Comme toutes les histoires, les rapports humains sont primordiaux pour que les deux parties avancent ensemble. « L’important, c’est de de faire comprendre à l’auteur qu’il va y avoir une relation de confiance, que l’auteur se dise qu’on est la bonne maison pour défendre son texte », affirme Florian Lafani.

Et passer de l’auto-édition à l’édition traditionnelle implique certaines concessions. Une chose qui n’est pas forcément facile à accepter pour certains auteurs. « Il est important de savoir aussi si l’auteur est prêt à retravailler son texte. On est éditeur, donc on travaille un texte pour qu’il soit le mieux possible », précise Florian Lafani.

Il raconte son expérience : « J’ai souvent rencontré des auteurs avec qui on n’est pas allé plus loin parce qu’ils m’ont dit “Moi, ce sera ce texte-là et c’est tout”. Eh bien non ! Je ne suis pas juste marchand de livres. Il existe une partie éditoriale assez importante et à laquelle je tiens. »

Un sentiment partagé par Marjorie Tixier. L’auteur se souvient d’ailleurs de ses échanges sur le sujet avec Florian Lafani. Elle raconte : « Il m’a dit “Est-ce que tu es prête à passer de l’auto-édition, où tu es entièrement libre, à un éditeur qui va te donner des cadres ?”. Il m’a parlé de cette liberté, de cette envie de travailler le texte. Moi, j’étais prête à ça. J’estime qu’peut toujours aller plus loin. Le livre Un matin ordinaire, je l’ai écrit au moins cinq ou six fois ».

Attention, rassurez-vous si vous êtes amené à connaître cette situation. Retravailler un texte ne signifie pas tout recommencer de zéro, ou voir l’œuvre entièrement modifiée. « Souvent, ce n’est pas forcément grand-chose, confirme Florian Lafani. Un texte, c’est un tout, plus ou moins équilibré dans la narration, dans les chapitres. Ce sont aussi des personnages qui demandent parfois d’aller un tout petit peu plus loin dans leurs psychologies, dans leurs interactions. Il n’est pas question de supprimer des personnages ou d’en rajouter, ni de changer la fin. »

Auteur et éditeur : un travail sur le long terme

La dernière étape du voyage qui mène de l’auto-édition à l’édition traditionnelle est sans nul doute la plus importante. Puisqu’il s’agit pour l’auteur et son éditeur de travailler conjointement.

À court terme, d’abord. « Sur le premier roman, la volonté, c’est d’accompagner [l’auteur] le plus longtemps possible. Il y a le travail que l’on peut faire auprès des libraires, sur la communication de lancement, etc. Après, il y a évidemment le déplacement des auteurs dans les salons, les rencontres en librairie qui sont des moyens pour faire durer un livre dans le temps », résume Florian Lafani.

Mais le plus intéressant, pour l’auteur comme pour l’éditeur, reste de tisser des liens durables et de travailler ensemble sur le long terme. « Pour accompagner un auteur, eh bien il faut que l’auteur continue à écrire, ironise le directeur éditorial de Fleuve Éditions. Je le dis mais c’est vrai. On a des auteurs avec qui on voudrait construire quelque chose mais, s’il n’écrivent pas, malheureusement, on ne peut rien construire. »

Une collaboration sur plusieurs années passe par une régularité nécessaire au niveau de la rédaction. « Ça ne veut pas dire trois fois par an, ni même forcément tous les ans, rassure Florian Lafani. Mais c’est essayer de créer un rendez-vous, petit à petit. On travaille par socle. On sort un premier roman, il y a forcément quelques libraires qui vont l’identifier, les lecteurs, des journalistes, etc. Ça, c’est le socle pour demain, pour le deuxième roman, des gens qui sont convaincus par l’écriture de l’auteur. »

D’autant qu’une œuvre peut avoir plusieurs vies, une fois prise en main par une maison d’édition. « Après la première édition, on fait souvent du grand format. Il y a des éditions poche qui touchent un autre public et qui permettent de repositionner des livres qui, parfois, changent de couverture », explique Florian Lafani, avant de continuer de détailler les possibilités.

« On a des collaborateurs qui sont là pour vendre les droits de nos livres à l’étranger, pour vendre les droits de nos livres en bandes dessinées ou à des producteurs en audiovisuel. Ça participe aussi à la construction d’un auteur : donner plusieurs vies à son livre. »