Les livres érotiques sont-ils toujours tendance ?

Les livres érotiques sont-ils toujours tendance ?
10/02/2021
Actualités du livre

Selon une étude récente, la littérature érotique se porte comme un charme : en un an, le genre a connu une augmentation de chiffre d’affaires de plus de 14 %. Mais qu’est-ce qui se cache derrière ce genre plus que jamais en plein essor ? Qui lit cette littérature ? Et quels types d’œuvres passionnent les lecteurs et lectrices ? Zoom sur les livres érotiques et leur succès.

C’est quoi, la littérature érotique ?

Si les livres érotiques sont tendance et semblent connaître une démocratisation depuis une petite décennie, ce genre littéraire n’a pas attendu le XXIe siècle pour s’inviter dans les bibliothèques. Bien au contraire.

La littérature érotique dans l’Histoire

On pense notamment au Kamasutra. Le recueil indien, véritable référence en matière d’érotisme et de sexualité, a été écrit dès le IVe siècle. Mais on peut remonter bien plus loin dans le temps.

La sexualité est un sujet d’écriture depuis (presque) toujours. Par exemple, cette thématique est présente dès l’Antiquité. On peut notamment citer la poétesse grecque Sappho dans Poèmes, dès le VIIe siècle av. J.-C. Mais aussi Platon, avec Le Banquet, en 380 av. J.-C. ou Epicure, avec Sentences vaticanes.

Même dans les textes de l’Egypte ancienne, on trouve des formes de récits érotiques, mais traités de manière très « pratique », si l’on peut qualifier les choses ainsi. On trouve notamment des traces de formules qui permettraient aux morts d’entretenir des relations charnelles.

D’une manière plus globale, définir la littérature érotique, c’est aussi questionner notre rapport à ce genre. Tout dépend de la période et de la culture des lecteurs. Ce qui peut être érotique dans une société ne le sera pas dans un autre, voire considéré comme pornographique ailleurs, ou carrément censuré. Et le positionnement d’une même société vis-à-vis d’une œuvre ou d’un genre littéraire est amené à évoluer dans le temps. N’oublions pas, par exemple, qu’en France, J’irai cracher sur vos tombes de Boris Vian a été interdit car jugé immoral « seulement » en 1949.

La littérature érotique aujourd’hui

Alors, comment définir la littérature érotique aujourd’hui ? Quelles différences existent, par exemple, avec la pornographie ? Difficile d’avancer une explication comme une vérité absolue. Mais on peut considérer qu’un livre érotique aurait tendance à simplement suggérer la sexualité, la sublimer, et que celle-ci serve le récit. Pour faire simple, dans une romance érotique, la sexualité fait simplement partie d’une histoire d’amour. Celle-ci est racontée simplement, et le sexe en fait partie, en étant une composante de la relation. Là où une œuvre pornographique a davantage l’objectif de créer une excitation chez le lecteur ou la lectrice, en décrivant l’acte sexuel de manière très directe, sans pudeur.

Mais là encore, ces définitions ne sont pas figées dans le temps. Elles sont amenées à évoluer avec le temps et les subjectivités des lecteurs.

Qui lit de la littérature érotique ?

Si les livres érotiques sont tendance, c’est principalement une affaire de femmes. Tout le monde en lit, évidemment. Mais ce genre littéraire a trouvé un souffle nouveau aussi bien auprès des autrices que des lectrices. Ce virage a sans doute été amorcé dès le milieu du XXe siècle, à travers des romancières comme Colette ou des œuvres comme Histoire d’O, de Pauline Réage, en 1954.

Aujourd’hui, les romans érotiques sont donc davantage lus par des femmes. On peut se demander pourquoi ? Qu’est-ce qui séduit la gent féminine dans ce type d’ouvrages ? Là encore, difficile d’avancer des arguments péremptoires.

Ce sont encore les autrices qui en parlent le mieux. Lors du débat « La littérature dans tous ses ébats », organisé dans le cadre du Salon du livre de Paris, l’écrivaine Sylvie Gand expliquait que la littérature érotique était une écriture de fantasme. Selon elle, le public féminin chercherait dans les personnages masculins une forme de fantasme. De même, elles accorderaient une grande importance aux personnages féminins : les héroïnes ne doivent pas être « parfaites » afin de faciliter l’assimilation.

L’auteure Ghislaine Paris abondait dans ce sens. Les livres érotiques sont source de fantasmes, ce qui correspondrait plus à une vision de la sexualité féminine dans notre société occidentale. Ces récits tisseraient des liens entre amour et sexualité et réconcilieraient deux notions trop souvent séparées.

Bien évidemment, chacun est libre de trouver dans la littérature érotique les motivations qui lui sont propres.

La vente de livres érotiques en augmentation

Depuis une petite dizaine d’années, les livres érotiques sont devenus tendance. Principale raison : la trilogie Fifty Shades of Grey, adaptée ensuite au cinéma, qui a connu un immense succès mondial. L’autrice E. L. James et ses 50 nuances ont largement contribué à la démocratisation du roman érotique en le rendant grand public. Ils ont permis le développement d’un sous-genre littéraire : le mum porn – littéralement le « porno pour maman ».

Derrière ce nom, on retrouve des œuvres destinées aux femmes d’une quarantaine d’années, et reprenant les codes de la littérature érotique. L’histoire est construite autour d’une relation amoureuse. Mais les scènes d’ébats sont ouvertement plus crues, plus débridées. Par exemple, dans Fifty Shades of Grey, on suit l’héroïne Anastasia dans son initiation au BDSM (bondage, domination, sadisme, masochisme).

L’essor du livre numérique a, en parallèle, lui aussi contribué à l’émergence de la littérature érotique et du mum porn. Ses petits prix motivent des achats compulsifs, et la grande discrétion que le livre numérique offre a incité bien des lectrices (et des lecteurs) a franchir le pas de romans plus osés, en pouvant les lire sans crainte d’être jugées.

En France, d’autres romans que l’on peut considérer comme sulfureux se sont eux-aussi distingués. On peut par exemple citer Baise-moi de Virginie Despentes, La Vie sexuelle de Catherine M. de Catherine Millet, ou encore Les particules élémentaires de Michel Houellebecq. Chacun dans un style propre et bien particulier. Chacun avec un certain succès.

Et les livres érotiques continuent de tirer leur épingle du jeu. Mieux que ça : leurs ventes progressent. Selon une récente enquête de GFK pour Livres Hebdo, la littérature érotique a connu une croissance de 14,2 % d’octobre 2019 à septembre 2020.

Plus intéressant encore, cette enquête nous apprend que le genre est porté par la bande dessinée (+25 % en un an) et le manga (+21 %). Zep – papa de Titeuf, entre autres titres notables – fait figure de locomotive avec ses BD Happy Sex et Happy Sex Volume 2, comme œuvres érotiques les plus vendues.

En revanche, le roman érotique est en perte de vitesse et voit son chiffre d’affaires diminuer de près de 20 % sur la période. Une difficulté à se renouveler, presque 10 ans après la parution de 50 nuances de Grey ? Ainsi, sur les dix meilleures ventes de littérature érotique entre octobre 2019 et septembre 2019, on retrouve cinq mangas, quatre bandes dessinées, et un seul roman. Une preuve supplémentaire que ce genre continue sans cesse d’évoluer.